le vécu du malade

La Maladie de Verneuil constitue le type même de la maladie chronique douloureuse, éprouvante, souvent épuisante, d'évolution variable et difficilement prévisible, potentiellement invalidante. Douleurs aiguës, douleurs chroniques, souffrance morale : il faut insister sur la sévérité et la spécificité des douleurs et des handicaps,dont les conséquences psychologiques, familiales, sociales, professionnelles... peuvent être encore mal analysées voire incomprises.

Le vécu de chaque malade est donc particulièrement important à connaître et reconnaître. La prise en charge est d'autant plus efficace qu'elle est centrée sur le patient, son vécu, ses besoins, ses croyances, chaque personne étant prise dans sa globalité.

La qualité du dialogue médecin / malade est essentielle tout au long de l'évolution de la maladie, dans une relation de confiance où  le patient joue un rôle de plus en plus actif et responsable, tant au niveau personnel qu'associatif.

Les témoignages des patients  permettent de mieux comprendre ce vécu souvent très "fort". L'annonce du diagnostic (le "verdict") constitue un choc, mais permet aussi de mettre un nom sur la maladie, parfois après un période pénible d'incertitude. Une succession d'étapes psychologiques est alors franchie par chaque personne, à un rythme qui lui est propre : choc, dénégation, révolte, puis prise de conscience progressive, réflexion ; finalement une dynamique constructive s'installe : le patient doit apprendre à gérer activement  la maladie ("coping") et son nouvel équilibre de vie, aux niveaux personnels, familial, social et professionnel.

"Vivre avec" la douleur, la limitation fonctionnelle, la fatigue au quotidien : comment réellement comprendre ce que cela signifie quand on ne les éprouve pas, d'autant qu'elles ne se voient pas forcément et qu'elles sont souvent fluctuantes ?

Cette lutte constante pour surmonter des difficultés parfois majeures dans l'accomplissement de chacun des gestes de la vie quotidienne, l'incapacité à faire des projets, sont vécues souvent dans un sentiment de solitude et d'incompréhension, de dévalorisation, même si l'entourage, qui joue un rôle capital, est présent. On comprend bien la fréquence de l'anxiété (craintes pour l'avenir, douleurs, handicap, isolement, pertes affectives, sociales, professionnelles...) et l'apparition possible d'une dépression, avec repli sur soi, qui doit être reconnue et traitée.

Le patient doit sans cesse "inventer son propre chemin". Les stratégies actives de "coping", centrées sur la résolution des problèmes (recherche d'information, contrôle de la douleur, organisation du planning quotidien et du "réseau de soins"...) sont associées à un vécu positif. Beaucoup de patients  reconnaissent d'autre part des aspects positifs à leur maladie et lui trouvent un sens : meilleure écoute des autres, plus grande sérénité vis à vis des petits maux de la vie, plus grande force morale...

Besoin d'information, de reconnaissance, ne pas être seul et bénéficier de la prise en charge optimale, incluant les innovations thérapeutiques : c'est tout l'enjeu des relations avec les médecins et les associations.

Le dialogue médecin / malade est important à toutes les phases de la maladie. Il s'agit d' un véritable "contrat de confiance" basé sur l'information réciproque et le respect mutuel.

Réussir l'annonce du diagnostic est une étape à la fois sensible et cruciale : il faut choisir le bon moment, les bons mots, respecter le rythme de chacun.

Chaque poussée, chaque changement thérapeutique, chaque décision chirurgicale sont autant d'étapes importantes à gérer par la suite. La consultation constitue un moment privilégié de dialogue, de prise de décisions importantes... avec aussi un risque de déception, tant les attentes sont fortes.

La qualité de l'information du patient et de son entourage est capitale : une meilleure compréhension de la maladie, de ses retentissements, de ses traitements, permet de dédramatiser et d'aller de l'avant. Cette information est une des attentes majeures du patient, un besoin et un droit réaffirmé par la loi du 4 mars 2002. Elle doit être personnalisée, claire et complète, évolutive ; il faut expliquer, rassurer, insister sur les points essentiels, vérifier la compréhension ; au dialogue peuvent s'ajouter des documents écrits. Elle aboutit au consentement éclairé et à la décision partagée, qui a le plus de chance de succès.

L'information se prolonge par une véritable éducation thérapeutique, démarche éducative structurée qui permet au malade d'acquérir savoir, savoir-faire et savoir être, pour mobiliser toutes ses ressources et réussir le "coping". On en a montré les effets positifs sur l'observance, l'état physique, psychique, le recours aux soins et même le pronostic général.

Le patient devient ainsi un expert et un gestionnaire actif de sa maladie. Il est membre à part entière de l'équipe multidisciplinaire (outre les médecins : infirmiers, kinésithérapeutes, psychologues, assistantes sociales...) impliquée dans la prise en charge globale personnalisée.

Dans un" Programme Patient Partenaire ", des patients volontaires et formés pourraient peut-être alors enseigner avec succès le vécu de leur maladie, notamment  aux étudiants en médecine.

Les Associations de patients jouent un rôle important. Leur mission première est d'informer leurs adhérents, de les aider à trouver un nouvel équilibre. L'information du public, actuellement nulle, devient particulièrement importante, car elle permettrait de changer l’image de la Maladie de Verneuil qui souffre encore de nombreuses idées fausses.

Les associations sont aussi des interlocuteurs privilégiés pour les professionnels de santé et pour la société civile, intervenant au niveau des différents leviers de décisions.

L'apparition de thérapeutiques innovantes, d'efficacité prouvée chez les malades les plus sévèrement atteints, mais de coût élevé, source d'interrogations éthiques et médico-économiques, devrait renforcer toute forme de multipartenariat. Ainsi le problème de l'accès aux biothérapies dans la Maladie de Verneuil permettrait de "cristalliser" un partenariat réussi entre associations et médecins, avec aussi une demande de reconnaissance de priorité de Santé Publique.

La participation active des patients fait partie des grands axes de la démarche de multi partenariat que nous cherchons à mettre en place tant au  niveau national qu’Européen , voire  mondial si nous pouvions susciter l’intérêt de l'OMS et des Nations Unies, et dont le but serait d'améliorer la qualité de vie de toutes les personnes atteintes.

Au total, la prise en compte du vécu et de la dimension psychosociale est indispensable. C'est en alliant la qualité humaine du dialogue aux avancées des traitements et des stratégies que l'on pourra répondre pleinement aux attentes légitimes des patients.
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